Jeanne d'Arc est l'une des figures centrale de l'histoire de la Forteresse de Chinon. Même si sa présence réelle y a été de courte durée, la légende de la Reconnaissance reste dans toutes les mémoires.
Scène de la Reconnaissance,
Photographie : Anonyme, Dessin d'origine : Lobin julien-léopold, 2008
Un voyage périlleux à la rencontre de Charles VII
En 1425, Jeanne d’Arc a 13 ans quand elle affirme entendre des voix pour la première fois. Jeanne reçoit du conseil de ses voix - saint Michel, sainte Marguerite, sainte Catherine - les grands axes de sa mission : lever le siège d’Orléans, faire sacrer Charles VII à Reims, « bouter les Anglais hors de France ». Elle mettra quelques années à obtenir un cheval et une escorte armée pour l’accompagner dans cette mission. Cette jeune lorraine de 17 ans accomplit alors une véritable prouesse pour l’époque. Au cœur de la guerre de Cent ans, elle traverse la France en 11 jours (470 km) pour venir à la rencontre de son roi à Chinon.
La légende de la reconnaissance
La légende raconte que lors de la rencontre, le roi et un serviteur ont inversé leurs rôles pour mettre à l’épreuve l’inspiration divine de Jeanne. Mais la jeune fille a reconnu le vrai roi entre tous, malgré les déguisements.
Lors de son procès en condamnation, Jeanne d’Arc est interrogée par ses juges et est amenée à témoigner sur cette entrevue. Ci-après le récit qu’elle en fait, sans jamais dire que le dauphin a tenté de se dissimuler parmi ses courtisans.
La 1ère audience royale
Deux jours après son arrivée à Chinon entre le 23 et le 25 février 1429, Jeanne est menée jusqu’à la chambre du roi où celui-ci la reçoit en petit comité.
« J’arrivai auprès du roi sans empêchement. Etant à Sainte-Catherine de Fierbois, j’envoyai d’abord au château de Chinon, où était le roi. J’y fus à midi et me logeai d’abord dans un hôtel. Après le dîner, j’allai vers le roi, qui était au château. Quand j’entrai dans la chambre du roi, je le reconnus par le conseil et révélation de ma voix. »
Réponse de Jeanne lors de la 9ème séance du 22 février 1431, 2ème interrogatoire, à la chambre du parlement.
Raoul de Gaucourt, capitaine d’Orléans et témoin de la scène, rapporte aussi que Jeanne aurait dit :
« Très illustre sire Dauphin, je suis venue, envoyée par Dieu pour vous porter secours, à vous et au royaume. »
Cheminée suspendue du pignon Ouest de la salle de la Reconnaissance.
© Léonard de serres
Reconstitution Histopad de la seconde audience dite du « signe ».
L’enquête de Poitiers et la 2de audience royale
Charles VII l’envoie ensuite à Poitiers pour que ses conseillers et docteurs en théologie puissent juger de sa bonne foi.
A son retour, Jeanne d’Arc est à nouveau reçue par le roi dans sa chambre, entre le 27 mars et le 5 avril 1429 (le 27 mars est la date de pâques pour l’année 1429 :
« Elle répondit que du jour elle n’en sait rien ; et quant à l’heure, il était haute heure ; autrement elle n’a pas mémoire de l’heure. Et ce fut au mois d’avril ou de mars, à ce qu’il lui semble. Et elle a dit qu’au prochain mois d’avril ou au présent mois de mars, il y aurait deux années écoulées et que ce fut après Pâques. »
Réponse de Jeanne lors de la 24ème séance du 13 mars 1431.
Lors de cette seconde audience, Jeanne donne au roi une preuve matérielle de la nature divine de sa mission. Ce signe est une couronne en or apportée au roi par un ange :
« J’estoie presque toujours en prière, afin que Dieu envoyast le signe du roy ; et estoie en mon lougeais (logis), qui est chieux (chez) une bonne femme (une femme de bien) près du chastel de Chinon, quand il vint ; et puis nous en alasme ensemble au roi ; et estoit bien accompaigné d’autres anges avec luy, que chacun ne véoit pas. »
« Item dit que quand l’ange vint, elle l’accompiagna, et alla avec luy par les degrés à la chambre du roy, et entra l’ange le premier ; et puis elle mesmes dit au roy ; Sire velà (voilà) vostre signe, prenez lay (le). »
Interrogée sur ceux qui virent l’ange, elle répond :
« Qu’elle pense que l’arcevesque de Rains, les seigneurs d’Alençon et de la Trimoulle et Charles de Bourbon le veirent. Et quant est de la couronne, plusieurs gens d’église et autres la veirent, qui ne virent pas l’ange. »
Réponse de Jeanne lors de la 24ème séance du 13 mars 1431à la prison.
Cette seconde audience dite du « signe », prit l’aspect officiel et public que l’on attribue généralement à la première. Elle marque la fin de l’enquête de Poitiers et tient lieu de présentation officielle de Jeanne d’Arc à la cour.
Epilogue
Les chroniqueurs de la fin du Moyen Age ne mentionnent jamais l’épisode de la couronne apportée par Jeanne comme preuve de l’origine divine de sa mission, car ils n’en avaient pas connaissance. Ils ont brodé une légende pittoresque en partant de la phrase dans laquelle Jeanne dit qu’elle aurait reconnu le roi grâce au conseil de ses voix.
Depuis la chronique de Jean Chartier rédigée autour de 1450, jusqu’à aujourd’hui, la légende de la Reconnaissance a survécu à son héroïne pendant six siècles. Elle s’est diffusée dans toutes les couches de la société au plus fort de la popularité de Jeanne d’Arc.
Pour en savoir plus :
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BOUZY Olivier, Jeanne d’Arc, les signes au roi et les entrevues de Chinon, in Guerre, pouvoir et noblesse au Moyen-Age, Mélanges Contamine, Paris, 2000, p.131-138.